Un plan d’alignement est un outil de planification urbaine. Le Maire planifie la ville de demain sans les pavillons remarquables du centre-ville. 
Dans sa lettre de « mise au point », le Maire a délibérément fait le pari de la confusion en affirmant que les pavillons ne seraient pas détruits… au point que bon nombre d’Antoniens ont pensé que nous avions obtenu gain de cause. Mais le Maire ne fait que jouer avec les mots : certes, un plan d’alignement n’est pas l’équivalent d’un arrêté de démolition, mais il prépare la mise en place d’une réalité qui rend la démolition quasi-inéluctable.

A l’heure actuelle, la Mairie n’a pas les moyens d’exproprier car son projet d’élargissement n’a pas de véritable utilité publique. C’est pourquoi elle a recours à l’adoption d’un plan d’alignement, procédure pour laquelle le commissaire-enquêteur est nommé par le Maire (contrairement à une enquête de Déclaration d’Utilité Publique en vue d’une expropriation, où il est nommé par le Préfet). A la suite de quoi, dans une ou deux décennies, les pavillons qui auront résisté à la pression immobilière se retrouveront enserrées dans un front bâti de façades, en retrait de trois ou quatre mètres du fait de cet alignement. Il sera alors plus facile d’invoquer l’utilité publique pour les faire sauter eux-aussi. D’ailleurs si le plan d’alignement est adopté, il ne sera vraisemblablement pas nécessaire d’en arriver là : l’alignement est en soi un outil redoutable pour contraindre les propriétaires à céder aux avances des promoteurs, qui se trouvent alors en situation de monopole. Là encore, l’hypocrisie est de mise : légalement, rien n’empêche un particulier de revendre son bien à un autre particulier intéressé par le pavillon. Mais en pratique, aucun particulier ne serait assez fou pour acquérir un pavillon sous le coup d’une servitude d’alignement, puisqu’elle implique l’interdiction des travaux confortatifs et de tous les travaux exigeant un permis de construire. Il faut donc vendre dès que l’offre d’un promoteur se présente, ou alors courir le risque de ne pas trouver d’acquéreur, surtout si l’on doit un jour vendre en urgence (par exemple en cas de mobilité professionnelle). Sophie Devedjian a donc beau jeu de s’étonner dans Le Parisien (31/10/2009) : « Je suis tombée de l’armoire en découvrant cette polémique. Si les propriétaires ne vendent pas, on ne touchera à rien. »
Avec un plan d’alignement, il faut être vraiment idéaliste et vraiment très riche pour conserver même le plus beau des pavillons.

plan Franco-Suisse

Tracé de l’alignement prévu par la Mairie, rendu public en septembre dernier, au regard des terrains dont disposait la Franco Suisse dès le début de l’année 2009. Source : permis de construire N° 92002 09 A 3097 PO déposé par la Franco Suisse le 27 février 2009 sur les numéros 32 à 42 de l’avenue Gabriel Péri (voir documents ci-dessous).

Un rapport de force en cours…

Il faut savoir par ailleurs que sur l’avenue Gabriel Péri, le rapport de force avec les promoteurs est déjà en cours depuis le changement de PLU de 2007, qui autorise la densification sur cet îlot. Par exemple, les propriétaires du numéro 38 repoussent depuis deux ans les avances de la Franco Suisse, qui s’est entendue avec les autres propriétaires environnants : un premier projet a été déposé en février 2009, nécessairement avec l’accord des propriétaires concernés (voir plan ci-dessus, et les photos d’extraits ci-dessous). Le service de l’urbanisme ne pouvait donc pas ignorer les intentions de ces propriétaires, et le refus du n°38. Or voilà qu’en septembre dernier, avec ce plan d’alignement, la Mairie intervient en imposant au numéro 38 une servitude qui rend la maison invendable, sauf aux promoteurs…
Manifestement d’ailleurs, la Franco-suisse était déjà informée du projet d’alignement avant le mois d’août, bien avant les riverains eux-mêmes : le plan d’un autre permis de construire, déposé le 10 août, table sur le « nouvel alignement » comme si l’affaire était déjà décidée (…merci pour les Antoniens qui se sont déplacés en Mairie pour la « consultation », merci pour les riverains qui y ont passé leurs soirées d’automne…). C’est seulement à la mi-septembre que les propriétaires du 38 recevaient, simultanément, la lettre de la Mairie et une nouvelle relance de la Franco Suisse…

Notre action n’a pas pour objectif de bloquer l’évolution urbaine, mais de permettre une densification menée avec discernement. Aucun objectif de densification urbaine ne saurait justifier de telles pratiques de la part des pouvoirs publics. A l’ASPEA, nous avons aussi la conviction que le visage d’une ville est le reflet des principes qui la gouvernent. Le visage de notre ville risque de porter longtemps les marques de cet urbanisme orienté uniquement par l’intérêt financier, dans le mépris des administrés.